Vague souvenir ... [Thomas]

Eh ben, moi qui voulais entrer là-dedans, c'est raté. C'est quoi l'idée de ne pas mettre de poignée à sa porte arrière ? Jamais les types à l'avant du pub ne vont me laisser entrer, et mal m'en prenne d'essayer de glisser sous leur nez. La porte devant laquelle ils se trouvent est fermée, et si même je réussis à entrer, un pub c'est plus tranquille qu'un bar : on me remarquera immédiatement. Je n'aurai même pas le temps de passer la plus petite des commandes. Je soupire, botte une canette de bière tombée d'une poubelle à l'arrière de l'établissement. En même temps, je choppe un caillou et je grogne. Ça fait mal, un caillou. Mais il aurait fait encore plus mal si Lan ne m'avait pas acheté de chaussures. Elles sont bien : Ce sont des souliers de sports blancs et noirs. Je voulais le modèle qui allume quand on marche, mais Lan a dit non. Il a même résisté à la crise que j'ai piquée dans le magasin quand il m'a empêché de les prendre pour les cacher dans mes vêtements. Il en avait assez, je crois, que je me balade pieds nus. Je crois, en fait, qu'il en avait assez de retrouver son bain tout noir quand je m'y lavais à la fin de la journée.

J'ai jamais eu l'occasion de prendre autant de douches. Je me lave tous les jours, ce qui est un exploit, mais on dirait que pour cette raison, je réussis à me salir encore plus en une seule journée que je le faisais autrefois. Bah, ce n'est pas moi que ça dérange. Frotter un bain après m'être lavé, ce n'est pas bien dur. Et puis moi, j'aime faire briller les trucs. Alors hein !

Bon, je ne vais pas m'éterniser ici. Remarquez que je pourrais attendre qu'ils ouvrent la porte pour sortir les poubelles. J'en profiterais pour me glisser à l'intérieur comme un raton, et on ne me verrait pas. Ouais … mais c'est pas de l'arrière boutique que je veux prendre ma bière. Je veux la boire avec les autres clients. Je soupire. Pourquoi est-ce que le bon Dieu m'a fait avec un visage aussi juvénile ? Ça aurait été quoi pour lui de me vieillir un peu plus. Bah, c'est vrai que j'aurais été moins craquant, peut-être. Finalement je préfère rester mignon. C'est bien, être mignon. J'aime ça.

Alors que je veux emprunter à nouveau la petite ruelle que j'ai empruntée tout à l'heure, je remarque qu'il y a du mouvement dans celle-ci. Pas trop rassuré, je recule. À part des gens ne souhaitant pas être vus, je ne connais pas grand-monde qui passe par ce genre d'endroits en pleine nuit. Peut-être un héroïnomane, qui veut se piquer en paix. Ou encore un revendeur d'organes qui veut poser son stand ici, derrière le pub de Tay la Lune. Je recule, m'installe derrière une poubelle, prenant grand soin de ne rien laisser dépasser. Je remonte mes lunettes sur mon nez et attends.

À un moment, je veux bien regarder de l'autre côté. Cette silhouette, je l'ai déjà rencontrée. Mieux encore : j'ai même déjà discuté avec cette silhouette. Mais de là à me souvenir si c'était une gentille ou une méchante silhouette, bonne chance ! J'ai la grâce et l'agilité du raton, mais j'ai la mémoire d'une souris quand ça ne concerne pas les cachettes de mes trésors. Ça je me souviens de tout, à la perfection. ET des trésors, j'en ai des centaines, dans des centaines d'endroits différents. Mais cette silhouette … je mets du temps avant de me souvenir de qui c'est. Et encore, le nom m'échappe. Je soupire, mais me décide à sortir de ma cachette. La silhouette sursaute. Soit il ne s'attendait pas à me voir là, soit il … soit c'est ça.

Je sais que quelque chose a changé, dans l'odeur, dans la posture de cette personne. Quelque chose est différent, mais ce n'est pas assez prononcé pour que je mette le doigt dessus. Mais un sixième sens me fait me tenir sur mes gardes, le poil hérissé, les nerfs tendus.

-Thomas ?

Si c'est pas ça son nom … mon deuxième choix, c'était Stéphane …

listening to Yanni - Chariots of Fire

(Ce qui aurait été encore mieux pour ton post, c’est qu’il l’appelle effectivement Stéphane xD…
mise en situation : La silhouette là-bas me disait quelque chose, je me souviens même lui avoir déjà parler… « Stéphane? »… « Euh, non, moi c’est Thomas.. »… « Oh… »)

Notre Univers, notre galaxie, sur la terre, en Europe, la France, Paris, Quartier des Halles, dans une ruelle juste à côté d’un pub dont je ne me souviens plus le nom. Bien sûr, je n’y suis même pas rentrer…Pourquoi faire? J’ai soif, j’ai faim…Mais, ce n’est pas d’une bière que j’ai besoin.

À chaque fois que je vois un des clients sortir au loin ou que je ne fais qu’entendre ses pas qui s’éloignent, je me dis « pourquoi pas lui ? »…Puis, je me dis « non, le prochain sera le bon ». Je ne suis pas difficile bien au contraire…Je suis seulement lâche. Lâche à un point où j’attends d’être complètement about et incontrôlable tellement la faim me tenaille. Un jour (ou plutôt une nuit), ça s’averra très dangereux, que ça oui…Je crois pouvoir tenir assez longtemps à cette cadence à cet instant, m’ayant nourri à peine une heure avant le levé du jour la dernière nuit par une jeune insomniaque qui fumait tranquillement une cigarette. Peut-être pourrais-je tenir jusqu’à très tard cette nuit comme la dernière fois? Peut-être…

Je soupire.

Mes oreilles se portent vers des petits bruits discrets mais bien maladroit dans les poubelles. Soit c’est un rat, un chat ou un raton-laveur, soit c’est un clochard ou bien c’est un voleur qui a vu une proie potentielle dans la ruelle. Mais, plus je tends l’oreille, plus j’analyse des bruits bien plus humain qu’animal bien que quelque chose continue à semer le doute dans mon esprit. « Pourquoi pas lui? »

Je sursaute quand je tourne le regard vers l’être perturbateur. « Non, le prochain sera le bon »

S’il y a une chose que je refuse de tuer, c’est un être que j’ai connu durant mon vivant aussi bref notre conversation fut-il. Il prononce mon nom. Je l’observe d’un air troublé et curieux à la fois.

-C’est toi Dylan?

Question ridicule je le sais très bien. Car je vois très bien dans la noirceur et pour une raison qui m’échappe, je me rappelle aussi très bien de son visage. Je m’approche lentement vers lui. Puis, je m’arrête soudainement, reculant d’un pas, me rappelant mon état de vampire. Voit-il ma peau livide? Je reprends la parole mais plus prudemment cette fois pour pas qu’il ne voit mes canines.

-Alors, ça va toi? Je dis d’un ton qui se veut naturel.

Le Thomas s'approche de moi. Tout content d'être tombé sur quelqu'un que je connais, quelqu'un de pas dangereux – et pas un vendeur d'organes, bien que ce qu'il fait de ses temps libres ne me regarde pas du tout du tout – je suis rassuré. J'en remuerais presque la queue, si elle n'était pas coincée, bien à l'abri des regards dans l'une des jambes trop larges de mon jeans. Trop large, c'est l'avis de Lan. Il voulait me faire porter un truc plus à ma taille l'autre jour, mais je pouvais pas lui dire que c'était pour cacher ma queue de raton, que je portais des trucs aussi grands. Je sais que les humains ont une intolérance aux hybrides, mais je sais que les vampires, c'est pire encore. Je ne voudrais pas qu'il apprenne ça. Il se ficherait bien de récupérer sa bague : il me tuerait sur le champ, et brûlerait ses draps par la suite, et peut-être bien toute sa maison, si ce n'est toute la ville au grand complet.

Fait étrange, l'homme devant moi recule quand il est à environ un mètre de moi. Je penche la tête sur mon épaule gauche, l'examinant attentivement. Il est pâle, probablement à cause de l'éclairage de la ruelle. C'est assez misérable comme qualité, je dirais. Mais pourquoi reculer ainsi devant moi ? Je suis un raton, pas un thon ! Et cette question … pour sûr que c'est moi ! Je suis inconfondable, si ça se dit … J'en doute un peu, en fait. En tout cas j'aurai jamais de mal à ce qu'on me croit si je disais – c'est quand même vrai – que j'ai arrêté d'aller à l'école à huit ans. C'est à peine si je suis capable de lire une page de texte sans me planter. Je survis aux panneaux indicateurs, et c'est bien beau, déjà. Ça aussi, ça fait partie des choses que je préfère que Lan ignore.

L'humain me demande si ça va. Tout content, je hoche la tête rapidement, lui renvoie la question. Banalité de début de conversation passée, j'avance un peu. J'aime pas être aussi loin des gens quand je leur parle.

-Est-ce que ta saloperie de vampire te fait encore chier ? je demande.

Tiens … étrange … il me semble d'autant plus blanc, maintenant.

listening to The Beatles - Twist and Shout

Son air plutôt serein m’indique qu’il n’a pas idée de ce que je suis devenu. Ce n’est pas un vampire monstrueux qui se reflètent dans le verre de ses lunettes, mais un humain, un peu pâle, normal, paumé et peu soigné. Tout ce que j’ai toujours été au fond, non? Oui, je suis normal si je veux le laisser paraître. Et devant moi...Devant moi, un adolescent qui aurait pu être tout à fait banal si on ignore ses verres fumées en pleine nuit et ses vêtements exagérément larges.

Qu’adviendrait-il de la situation, de lui, s’il en venait à découvrir mon état vampirique? Non, je ne ferais sans doute rien contre sa personne. Je ne réussirai pas à trouver la volonté de faire du mal à ce pauvre garçon SDF...De toute façon, ce n’est pas comme si je laissais partir un «danger potentiel» pour les buveurs de sang. Il me paraît inoffensif et il est déjà sous la «malédiction» d’un autre vampire. Et puis après, qu’est-ce que j’en ai à faire de ce que l’on s’attend comme réaction de la part de ma jeune personne? Oh, sans doute Judas n’approuverait pas...Un frisson me parcourt le dos.

Je regarde le jeune Dylan qui semble perplexe alors que je recule. Sans doute, oui. N’étant pas quelqu’un qui raffole des relations sociales, j’ai souvent été quelqu’un d’un peu distant sauf bien sûr quand la personne me donnait une raison de m’intéresser à elle. Mais, je ne l’ai jamais été à ce point, de cette façon. En fait, oui, je l’ai été...Avec Judas. Les menaces changent de position? Maintenant vampire, ce n’est plus les suceurs de sang qui apportent ma méfiance, c’est les autres. Je le sens me dévisager. Je n’ose, par conséquent, pas parler de peur que ses yeux se fixent sur mes dents.

Il hoche la tête, il va bien. J’utilise la même méthode pour lui répondre : je hoche la tête. Puis, il s’approche de deux pas. J’entends, je sens son sang circuler dans ses veines. À cet instant, j’aurais presque envie de fuir. Inutile de reculer, pourquoi essayer d’avoir l’air encore plus étrange?

La saloperie de vampire...Je souris sans ouvrir la bouche.

-Il est toujours dans les parages oui.

Je marque une pause. Je sais que son vampire à lui n’est pas mort. Il doit le savoir maintenant.

-Le tien est encore vivant, je me trompe?