D'ici quelques jours peut-être...(PV)

Vous voyez, les bois de Boulogne étaient un endroit que j’adorais fréquenter la nuit avant ma première rencontre vampirique. Par la suite, à peu près tous les paysages parisiens me paraissaient glauques une fois les ténèbres tombés…Les bois de Boulogne ne faisaient pas exceptions loin de là…Étonnamment, cette inquiétude ne m’avait jamais empêcher de faire de longue balade nocturne dans toute la ville et bien malgré le fait que je me sentais continuellement suivi par l’inexplicable. Ma peur ne m’a pas non plus empêcher de me pointer au lieu de rendez-vous que Judas m’avait donné et qui fut ma dernière heure entant qu’humain.

Là, je ne savais plus où donner de la tête. Dois-je avoir peur de ce que je suis devenu? Je soupire. Et comme à mon habitude, je marmonne mes pensées. « Est-ce que ça m’effraie? »… « Non, non, sûrement pas »… « Où j’en étais..? ». Je peux bien parler à voix haute, il n’y a personne pour m’entendre. De plus, c’est quelque chose que je fais depuis des années et dont je ne peux m’empêcher.

Je marche sur un chemin de terre encerclé d’arbre, les mains tremblantes et les jambes qui commencent à faiblir. J’ai…L’air…Ridicule. Je suis ridicule car ce n’est pas la première fois que je suis dans cet état. Depuis ma transformation, je ne crois pas que je me suis nourri une seule fois sans avoir cette gueule par la suite. « Ridicule, reprends toi »…

Je dois bien avoué qu’il n’y a pas que ce dégoût pour le meurtre qui me met dans cet état…Effectivement, je viens tout juste d’enterrer avec une aversion certaine le corps de ma dernière victime. Victime dont je n’ai pas arracher le moindre lambeaux de chair. En fait, je n’ai « mangé » aucun homme ni aucune femme depuis que Judas m’a forcé à avaler un morceau du corps de la pauvre femme que j’ai tué. Et cette absence de nourriture solide dans mon alimentation commence nettement à se faire sentir. « Demain, demain je mangerais »…Je marmonne. Je me laisse tomber sous un arbre me remémorant les traits de ma dernière proie. Un clochard entre deux âge. « Yeux bleus, joues creuses, veste grise… ».

J’appuis mon dos contre l’arbre les yeux vers les branchages avant de les baisser vers mon estomac. Je lève ma vieille chemise un instant pour regarder d’un air dépité la cicatrice qui se dissipera peut-être d’ici quelques jours…Une longue trace rouge, répugnante, à la verticale me traversant le torse. J’abaisse ma chemise en secouant la tête : « Quelques jours, quelques jours… ».

Je ne sais plus vraiment où donner de la tête. Vraiment, cette femme semble plus que talentueuse pour m’aspirer toute mon énergie. Au bureau, je lui adresse de charmants sourires et des salutations distinguées, je demeure courtois et respectueux, mais cela ne suffit pas. Vraiment pas. Elle m’arrache mes sourires, me lacère les lèvres de ses yeux flamboyants et piétine mon honneur et ma galanterie en poussant de grandes plaintes enjouées. C’est une féroce guerrière, une incroyable impératrice sans pitié…c’est…Satan. Oui, elle est le diable derrière ce joli visage, derrière ce renversant corps, sous cette voix provocante et sèche, mais tellement sensuelle, sur ses lèvres de corail si attrayantes.

Un vilain frisson longe ma colonne vertébrale. Une pointe d’envie me dévore l’esprit, pointe que je tente de réprimer du mieux que le peux. Et puis, ce soir je ne peux m’assouvir auprès de mon maître, celui-ci occupé par son nouveau jouet. Pauvre créature, elle ignore ce qu’il l’attend. Lui applique-t-il la Marque ? Lui laboure-t-il son temple secret ou bien joue-t-il l’amant adorable et passionné afin de parfaire son image de parfait protecteur.

Faisant la moue, je poursuis ma randonné nocturne sous la voûte étoilée. Au-dessus de moi, je vois des filaments de nuages défiler lestement et avec grâce. Une brise fraîche agite le feuillage des arbres clairsemant les alentours, produisant ainsi une faible mélodie tout naturelle. J’immobilise, attentif à ce chant délicieux. Puis, derrière moi, je perçois quelques bruits de pas étouffés par l’herbe au sol. Me détournant, je me glisse parmi les ombres jusqu’à un individu d’une pâleur surnaturelle, d’une pâleur vampirique. Irais-je lui tenir compagnie ? Peut-être est-il acariâtre, revêche, bougon ? Ne l’ai pas déjà vu auparavant ? J’en doute. Nous sommes nombreux et mes contacts chez les Vampires se limitent à Ida et quelques anciens. En fait, je sers d’intermédiaire entre les Vampires et Raquel ou Ashael et Raquel. C’était ainsi au temps de feu Zakaria, qu’elle puisse reposer en paix.

Vais-je sérieusement déranger ce pauvre vampire ? Non, je ne crois pas que ça soit sage. Je devrais retourner à ma résidence et ruminer mes sombres pensées. Une fois ma décision prise, une catastrophe se produit. Exécutant un mouvement maladroit, mon pied se coince quelque part et je trébuche lourdement sur les fesses, devant le vampire.

-Oh…euh…Bonsoir, je fais la voix étranglée par le douleur éprouvée par mon dos.

Je lève à nouveau la tête vers le ciel. Je ne vois pas grand chose des étoiles. Je n’en vois qu’une ou deux à travers les branches de mon accotoir. «Ça fait quand bizarre de ne plus porter de lunettes», je murmure pour moi-même. Et oui, mes pensées continuent d’aller d’un point A à un point B sans raison aucune, sans lien entre les deux idées. J’arrête par contre d’exprimer mes pensées à haute-voix quand, en baissant les yeux, je vois une forme humanoïde à quelques mètres. Je devine rapidement qu’il s’agit d’un vampire. Fier de réussir enfin à deviner la nature d’un inconnu sans trop harceler mon pauvre cerveau, je me félicite en silence.

En temps normal, je me serais demander tout d’abord si mon instinct ne me tromperait pas. En second lieu, je me serais demander si un vampire pourrait représenter un danger pour ma personne. En dernier lieu, je me dirais que non puisque, étant moi-même vampire, il n’y aurait aucune raison qu’il souhaite me faire du mal. Mais, là, je suis trop fatigué pour répéter ces mêmes et éternelles péripéties mentales. Alors, je vais directement au dernier point : ce n’est certainement pas un danger. Il est presque bizarre que je me préoccupe de ma survie autant voir encore plus que quand j’étais vivant. Maintenant techniquement «mort», ce genre de soucis me tiraille encore. Sauf que ce n’est plus les buveurs de sang que je crains.

Je vois que l’autre baladeur nocturne a aussi remarqué ma présence. Je pense un instant à détourner les yeux et ignorer sa présence, n’étant pas tellement d’attaque pour une nouvelle rencontre au final. Mais, cette idée ne me trotte qu’une demi-seconde dans la tête alors que, sur le sol, j’aperçois une racine d’arbre. Mes yeux passent de la malicieuse racine jusqu’au vampire semblant ignorer la chute qui le guette, puis la racine, le vampire, la racine…

Tout en observant et analysant la situation paisiblement, j’en viens à me demander si, effectivement, il ignore la présence d’un des pieds de l’arbre sur son chemin et s’il serait sage de le prévenir. Finalement, j’opte pour ne pas me mêler de la petite mésaventure qui attend l’intrus. Je n’en aurais pas eu le temps parce que, presque aussitôt, ses pieds s’y emmêlent et trébuche.

Je souris, amusé, retenant un fou-rire. L’inconnu, qui jusqu’à maintenant n’avait pas l’air d’être intéressé à m’aborder, me souhaite le bonsoir.

-Jolie chute.

Je souris en pointant du doigt la source de la-dite jolie chute.

-La racine là…

Je finis par me relever, tenant en équilibre sur mes deux jambes toujours aussi fragiles, et tente malgré tout de l’aider à se relever. Je lui tends la main courtoisement.