Un inconnu et une entorse

Finalement, il m'a raccompagné jusque chez moi. Nous n'avons quasiment pas parlé, je ne sais toujours pas comment il s'appelle. Je ne me suis pas présentée non plus. Maintenant, devant la porte de mon appart', je ne sais pas trop quoi faire. Je finis par hausser une nouvelle fois les épaules. J'ouvre et l'invite à entrer d'un geste. Je pose la sacoche de l'ordi dans l'entrée et passe par la salle de bain récupérer une pommade anti-inflamatoire et une bande. Je n'en suis pas à ma première entorse, mais celle-ci est la plus grave de la série.

Je me dirige vers mon lit et m'y assieds, faisant signe au garçon de s'asseoir où il peut, la chaise, le tabouret ou le lit. Je ne me rends pas compte que cela peut passer pour de flirt. J'ote ma chaussure et examine ma cheville plus attentivement. Je grimace. C'est encore pire que tout à l'heure.
Soudain, je me rends compte que mon atitude peut être considérée comme particulièrement impolie. Rougissant une nouvelle fois de mon manque de savoir-vivre, je relève la tête pour regarder mon "invité".

- Au fait, je m'appelle Carline Rivéroc. Vous voulez boire quelque chose? Je vous laisse vous servir, les verres sont sur l'évier. Il doit y avoir du jus de pomme et du lait au frigo, du sirop de menthe sur l'étagère en face et de l'eau au robinet. Désolée de ne pas vous servir moi-même, mais...

Je ne finis pas ma phrase et esquisse un sourire d'excuse.
Puis je me repenche sur ma cheville. J'en ai au moins pour quinze jours avant de pouvoir remarcher correctement. Je soupire. ça va pas être évident. Le frigo est presque vide et je vais devoir aller faire des courses. Plusieurs fois, même, parce que je ne suis pas capable de porter deux semaines de bouffe. Tant pis, j'aurais préféré rester enfermée , histoire de limiter les mouvements.
J'attrape la pommade et en prends une noisette, puis commence à masser l'articulation douloureuse. Je serre les dents, c'est froid. Mais au fur-et-à-mesure que la pommade se réchauffe, je me détends. Je termine de faire pénétrer la crème dans la peau et sors la bande. Je commence à bander ma cheville, déroulant le rouleau à mesure que j'enroule la bande. Je sais ce que je fais, et je finis rapidement, en passant l'extrêmité libre entre deux tours de tissu. ça c'est fait, l'articulation est immobilisée. J'ai déjà moins mal.

Du coup, je me reconcentre sur mon invité. Je le détaille.
Il n'est pas désagréable à regarder. Je n'avais pas fait très attention jusque là. Plus grand que moi, ce qui n'est pas trop dur, brun, avec ces yeux étranges que j'ai déjà eu l'occasion de remarquer. Je réprime le flot de questions qui me vient à l'esprit. J'ai accepté son mensonge tout à l'heure pour le rassurer, je ne vais pas revenir là-dessus. Mais il n'empêche qu'il m'intrigue. Et puis, c'est dans ma nature de me poser des questions.

Instinctivement, parce que je suis un peu gênée d'être seule chez moi avec un inconnu, ma main se porte à mon cou et je joue machinalement avec mon pendentif.

Piouf ! Avec ce que je portais, j’ai eu le temps de sentir notre petite ballade….En avec ce suicidaire, qui a bloqué toute la rame de métro pendant 15 minutes, j’ai cru que cela ne s’arrêterais jamais. Enfin je vais éviter de me refaire le trajet dans ma tête, une fois cela m’a suffit.

Je suis a présent sur le pallier…
Elle met du temps pour ouvrir une porte, je commence à avoir mal aux bras à porter toutes les affaires. Voila qui est fait, elle pénètre dans son appartement, et m’invite a la suivre, ce que je m’empresse de faire, pour allez déposer rapidement dans un coin de l’entrée les affaires en tout genre.
Elle disparaît quelques instants, me laissant le temps de regarder ou je me trouve, ce n’est pas très grand mais c’est assez sympa.

La voila qui reviens, avec une crème je crois et un bandage. Elle me regarde durant une seconde, puis me fait signe de m’asseoir où bon me semble je suppose. Alors la ! Trois choix s’oppose a moi : une chaise, un tabouret, ou le lit….Sans même réfléchir, je me permet de m’installer sur son lit.

Ne se préoccupant pas de moi, je la regarde minutieusement s’occuper de sa cheville. Enlevant sa chaussure et sa chaussette, en voyant sa cheville, elle laisse paraître une grimace, qui me faire sourire gentiment. Mais il faut admettre que c’est pas top a voir sa cheville. Puis d’un coup on dirait qu’elle prend conscience de ma présence. Je me redresse donc d’un coup, faisant mine de ne pas l’avoir décortiqué du regard, avec mon air naturellement gentil. Et comme a son habitude, je dis ça, je la connaît pas, mais a vu de nez, cela doit être une habitude chez elle de rougir ! Donc elle rougit.

- Au fait, je m'appelle Carline Rivéroc. Vous voulez boire quelque chose? Je vous laisse vous servir, les verres sont sur l'évier. Il doit y avoir du jus de pomme et du lait au frigo, du sirop de menthe sur l'étagère en face et de l'eau au robinet. Désolée de ne pas vous servir moi-même, mais...

Je l’a regarde avec un air étrange. Comment ça pas une goutte d’alcool ? Aie aie aie, je n’ai même pas eu le temps de finir ma bière tout a l’heure. Quoi ? pas de jus aux fruits rouge ! Quel dommage…

- Moi c’est Lucy, enchanté Carline. Si je puis me permettre plusieurs choses. Déjà je me permet de vous tutoyez a partir de maintenant si cela vous convient. Et aussi je trouve votre nom fort joli, et surtout peu commun, j’aime beaucoup.

Je lui souri. Il ne faut pas que j’introduise mon nom de famille tout de suite, car cela peut être dangereux pour la suite, si jamais je faisais une connerie. A cette idée, un petit rictus apparu rapidement sur mon doux visage, le temps que je reprenne mes esprits. J’étais assez doué pour éviter de parler de moi, une vieille habitude. La laissant finir son petit travail, et je me laisse l’admirer entrain de manœuvrer. Elle fait sa bien dit donc ! A croire qu’elle a fait sa toute sa vie. Une fois son petit manège finis, je reprends.

- Pour ma part, j’ai des bières bien fraîches, dans ma glacière, si cela vous tente. Cela ne peut vous faire plus de mal, que ce que vous avez la.

J’attendais sa réponse avant d’allez me servir. N’ayant plus mes lunettes, j’évitais de al regarder dans les yeux, ce qui n’est pas dans mon habitude. Mais bon, je dois avouer que je prend un malin plaisir a simuler celui qui est gêné, jouer la comédie, ça me connaît bien. Je voyais bien qu’elle m’analysait du regard, mais je la laissais faire. Je ne voulais qu’une chose chercher ma bière, je me desséchais.

Il s'est assis sur mon lit, je n'y accorde pas vraiment d'attention. Après tout, je lui ai fait signe de s'asseoir où il veux.

_ Moi c’est Lucy, enchanté Carline. Si je puis me permettre plusieurs choses. Déjà je me permet de vous tutoyez a partir de maintenant si cela vous convient. Et aussi je trouve votre nom fort joli, et surtout peu commun, j’aime beaucoup.

Lucy? Etrange prénom. Je me demande d'où ça vient. En tout cas, j'aime bien.
Soudain, je prends conscience de ses derniers mots. Il aime mon prénom? Il trouve ça joli? C'est bien le premier qui me dit ça! Les autres disent plutôt que c'est bizarre, ils se moquent, racontent que mes parents on fait une faute d'orthographe sur la déclaration de naissance et qu'ils ne doivent pas être bien malins.
Franchement, je leur en ai voulu de m'avoir donné un prénom pareil. Ils auraient pas pu m'appeler Claire ou Julie?
Tiens, ça me rappelle cette chanson de Linda Lemay, Alphonse. ça commence comme ça:

J'm'appelle Alphonse, c'est pas ma faute
C'est mes parents qui m'ont fait l'coup
ça aurait pu tomber sur un autre
On était neuf garçons chez nous
Je sais qu'ça fait plusieurs prénoms
...

Sans m'en rendre compte, je me suis mise à fredonner. Quand je m'en rends compte, je cesse aussitôt en rougissant et je détourne le regard. Mais pas longtemps. Je ne peux pas m'empêher de le dévisager. ça n'a pas l'air de le déranger puisqu'il sourit.


_ Pour ma part, j’ai des bières bien fraîches, dans ma glacière, si cela vous tente. Cela ne peut vous faire plus de mal, que ce que vous avez là.

Je rougis de nouveau. Fichue habitude! ça devient vraiment gênant. En plus, il ne va pas comprendre. Il ne peut pas savoir que je n'ai jamais bu une goutte d'alcool, même pas une bière.
L'alcool était proscrit à la maison jusqu'à la majorité. Et à ce moment-là, j'étais déjà partie à Paris. Et comme je ne sors pas, je n'ai jamais eu d'occasion.
Bon, qu'est-ce que je fais? Il attend une réponse, là. Allez, je vais dire la vérité, de toute manière je ne sais pas mentir.

_ En fait, je... Je n'ai jamais bu d'alcool, même pas une bière, c'est pour ça que je n'ai que des trucs sans alcool. Mais je veux bien goûter, s'il te plaît.

Puis j'esquisse un sourire et ajoute en désignant ma cheville.

_ De toute manière, tu as raison, ça ne peut pas me faire plus de mal que ça!

Tout à l'heure, il m'a demandé l'autorisation de me tutoyer. Je n'ai pas répondu sur le coup, mais je me suis mise à le tutoyer, lui accordant implicitement l'autorisation de faire de même.
Je suis toujours aussi intriguée, à tel point que ma curiosité prend le dessus sur ma gêne et je cède à la tentation de le questionner. Je souris, un peu gênée quand même.

_ Excuse-moi si je te parais indiscrète ou trop curieuse. Je n'ai pas vraiment l'habitude de parler aux gens.

Je m'efforce ne pas rougir, mais je crains que ce ne soit pas un franc succès.

_ Tu dis que tu es en vacances? Tu es étudiant? Tu es parisien ou tu es juste ici pour les études? Quel âge as-tu?

Là c'est sûr, ma tentative a échoué, je rougis. Comme toujours, je n'ai pas réussi à retenir un flot de questions. J'ai un sourire d'excuse.

_ Désolée, tu n'es pas obligé de répondre. Je suis juste une incurable curieuse.

Je souris plus franchement et me lève pour aller chercher la sacoche mon ordi en boîtillant. Il faut que je le mette à recharger.

_ En fait, je... Je n'ai jamais bu d'alcool, même pas une bière, c'est pour ça que je n'ai que des trucs sans alcool. Mais je veux bien goûter, s'il te plaît.

Elle m’offre un sourire puis continu

_ De toute manière, tu as raison, ça ne peut pas me faire plus de mal que ça!

Me voila ravis, elle n’a jamais bu ! Cela ne m’étonnait pas le moins du monde, elle avait cette allure de celle qui ne boit pas et qui n’est que peu sociable…
Elle passait vraiment inaperçu aux yeux du monde ! Mais pourtant je suis sur que si elle se refait une petite coupe, changer de lunette, changer de fringues et d’autres petits trucs, elle serait tout a fait a croquer. Elle cherche juste a ne pas être vu, a être celle qu’on ne reconnaîtra jamais…

Elle me libère de ses pensées en reprenant la parole, pendant ce temps je sors les deux bières, les ouvrent et en offre une a Carline.

_ Excuse-moi si je te parais indiscrète ou trop curieuse. Je n'ai pas vraiment l'habitude de parler aux gens.

Puis rougie avant de reprendre de plus belle.

_ Tu dis que tu es en vacances? Tu es étudiant? Tu es parisien ou tu es juste ici pour les études? Quel âge as-tu?

Sa peau devient encore plus rouge ! A croire que c’est un tic chez elle, je me rappelle même plus de la couleur de sa peau ; car pour moi elle est toujours rouge.

_ Désolée, tu n'es pas obligé de répondre. Je suis juste une incurable curieuse.

Cela me fit sourire, cela se voit qu’elle ne me connaît pas encore….

- Non Carline ne t’inquiète pas pour cela, pour moi l’indiscrétion, n’existe pas, et j’aime bien parler de moi. Cela doit être mon coté narcissique.

Je bois une gorgée, me laissant largement réfléchir à ce que j’allais lui dire, mélangeant vérité et mensonge ?

- Je suis en vacance, mes partiels sont passés, je vais sûrement passer en troisième année, j’attends les résultats. Je suis en fac de psycho. Je suis né à Paris ! Un vrai de vrai parisien.

Cela me fait rire, et j’en profite pour absorber une autre autre gorgée, qui elle, vide d’un trait toute la bière…C’est la soif qui me fait boire a cette vitesse. Je ne fais même plus attention a mes yeux, car aujourd’hui j’en suis très fier !

- Tu n’as pas a hésiter, tu peux me poser toutes les questions que tu veux, je suis pas méchant, je ne te mordrais pas

Je lui fais un clin d’œil avant de reprendre.

- Mais toi, que fais tu dans la vie ?

Il m'a ramené une bière et me la tend après l'avoir ouverte. Je le prends en hésitant, l'écoutant en même temps. Pas d'indiscrétion possible? Un côté narcissique? Alors là, tu ne sais pas à quoi tu t'exposes! Parce qu'une fois lancée, je suis viscéralement incapable de m'arrêter et je le sais très bien! Et lui qui ne trouve rien de mieux à faire que de m'encourager! En même temps il ne me connait pas...
Fac de psycho? Bizarrz, il a pas vraiment la tête de l'emploi. Il a plutôt une tête à faire... A faire quoi d'ailleurs? Excellente question...
Toutes les questions que je veux? Mais il est fou! Ah non peut-être pas, les fous ne doivent pas être acceptés en fac de psycho. Encore que... Quoi de mieux qu'un fou pour en soigner un autre?

Je goûte la bière. ça pique un peu, mais c'est pas désagréable. Lucy vient d'ailleurs de finir la sienne. J'hésite un peu, je ne vais peut-être pas l'imiter tout de suite. Je sais que l'alcool peut être traître, surtout sur un organisme non habitué et à jeûn. Tiens, ça me fait penser qu'il faudrait peut-être que je me préoccupe de faire à manger pour ce soir.
Je commence à réfléchir, qu'est-ce que j'ai dans mes placards? Pâtes, riz. Moui. ça commence à lasser. Ah pain de mie. Je dois aussi avoir du jambon et du fromage. Allez ce soir croque-monsieur!

Sans m'en rendre compte, j'ai laissé un blanc dans la conversation. Ah flûte, j'ai pas répondu à sa question. Etonnament, je ne rougis plus depuis qu'il m'a dit que je pouvais poser toutes les questions que je voulais. Enfin, ça commençait sérieusement à me casser les pieds, pour rester polie.

Ah oui, sa question. Au fait, je pourrais peut-être l'inviter à rester manger, c'est la moindre des choses, il m'a quand même bien aidée pour rentrer. Zut, j'ai encore perdu le fil de ce que je voulais dire.

_ Ce que je fais dans la vie? Eh bien je vais entrer en quatrième année de médecine. A part ça, je me pose beaucoup de questions sur tout et n'importe quoi et je passe les trois quarts de mon temps devant mon ordi, sur internet ou pour écrire.

Houlà! Qu'est-ce qui m'arrive? ça faisait longtemps que je n'avais pas sorti une phrase aussi longue!

_ Puisque je peux te poser toutes les questions que je veux, je ne vais pas me priver. D'abord, tu n'as pas répondu, quel âge as-tu? Et pourquoi psycho?

Je souris.

_ Et veux-tu rester manger? Pour te remercier. Je fais des croque-monsieur.

Pas de rougissement, s'il vous plait! Et oui, c'est miraculeux, je n'ai pas rougi! Youpi!
Hum... Je vais peut-être me calmer moi.
Pour m'occuper, je vide ma bière d'un coup. Oups. Mauvaise idée. Les bulles me remontent dans le nez et le peu d'alcool me monte à la tête. ça tourne!

_ Ce que je fais dans la vie? Eh bien je vais entrer en quatrième année de médecine. A part ça, je me pose beaucoup de questions sur tout et n'importe quoi et je passe les trois quarts de mon temps devant mon ordi, sur Internet ou pour écrire.

Je souris, comme pour dire oui, en signe de comprehension

_ Puisque je peux te poser toutes les questions que je veux, je ne vais pas me priver. D'abord, tu n'as pas répondu, quel âge as-tu? Et pourquoi psycho?

Je souris. Je vois qu’elle commence a se reprendre ! Est-ce l’alcool ?

_ Et veux-tu rester manger? Pour te remercier. Je fais des croque-monsieur.

- Alors pour te répondre, ce serait avec plaisir, surtout que cela fait longtemps que je n’en ai pas mangé…De plus j’ai tout un stock de bières dans ma glacière, je ne sais pas pourquoi j’en ai pris autant.

En disant ces mots, j’en profitais pour attirer ma glacière à mes pieds, l’ouvrir, jeter la canette vide, et en prendre une nouvelle.

- tu me pardonneras de boire autant, je ne suis pas alcoolique, mais j’ai tout le temps soif, comme si je me desséchais, alors tous ce qui est frais est bon.

Je souris a nouveau, tout en me préparant a répondre a sa question d’avant.

-Bah écoute, j’ai 19 ans, encore bien jeune !

*pshhhht*

Et hop bière suivante…

- pourquoi psycho ? Haha ! Bonne question, je dirais que j’ai toujours adoré la psychologie, c’est mon petit péché mignon, connaître ce qui se passe dans la tête des gens. Et puis oui ne te gènes pas de poser tes questions, profite donc.

Je posais par terre ma canette, puis me levais d’un bon, m’étirant lentement, écartant les bras. Je ressemblais a Jésus sur la croix, version chat…Enfin je me comprend. Puis je relâche tout mon corps, me relaissant tomber en arrière sur le lit. Je me redresse, reprend ma bière, l’air de rien.

- Hmm ! Sur quoi tu te poses autant de questions ? As-tu des sujets en particulier ?

- Alors pour te répondre, ce serait avec plaisir, surtout que cela fait longtemps que je n’en ai pas mangé…De plus j’ai tout un stock de bières dans ma glacière, je ne sais pas pourquoi j’en ai pris autant.

Génial, il a accepté mon invitation! Par contre, je vais peut-être pas me lever tout de suite faire à manger. Je ne suis pas sûre de tenir debout. Alors une autre, peut-être pas tout de suite, non.
Je ne pensais pas que l'alcool pouvait faire autant d'effet en si petite quantité. Mais ça doit dépendre des individus, lui n'a pas l'air affecté.

- tu me pardonneras de boire autant, je ne suis pas alcoolique, mais j’ai tout le temps soif, comme si je me desséchais, alors tous ce qui est frais est bon.

D'ailleurs, il en reprend une. Je me demande pourquoi il a besoin de boire autant. ESt-ce que ça a un rapport avec sa mutation? Je ne peux pas lui poser la question, là comme ça de but en blanc. Flûte! Pourquoi je ne peux jamais poser mes questions à ceux qui ont les réponses?
Pour en revenir aux effets de l'alcool, ça peut s'expliquer quand même. Mon organisme n'y est pas habitué. Je n'ai pas mangé à midi, donc l'alcool n'est pas dilué dans les autres nutriments et passe directement dans le sang où il se retrouve en concentration relativement importante. Il ne faut pas non plus oublier que les bulles aggravent ce phénomène. Si on ajoute en plus le fait que je sois un poids plume, l'importance de ma réaction peut s'expliquer.

-Bah écoute, j’ai 19 ans, encore bien jeune !

19 ans? Je le pensais plus vieux. En plus s'il est en troisième année de fac, ça veut dire qu'il a passé le bac à seize ans. Il aurait donc un an d'avance? Ou pas, il est peut-être simplement de la fin de l'année.

- pourquoi psycho ? Haha ! Bonne question, je dirais que j’ai toujours adoré la psychologie, c’est mon petit péché mignon, connaître ce qui se passe dans la tête des gens. Et puis oui ne te gènes pas de poser tes questions, profite donc.

Alors on a au moins la curiosité en commun, même si ça ne concerne pas les mêmes sujets. Comprendre le mode de fonctionnement des gens ne m'a jamais intéressé, mais je peux comprendre que d'autres le soient. C'est un domaine passionnant, même s'il ne m'attire pas.
Et pour les questions, je ne vais pas me faire prier. Peut-être pas tout de suite, je vais sûrement attendre un peu, histoire de cerner un peu mieux le personnage avant d'entrer dans le vif du sujet.
Je le regarde s'étirer comme un chat, comme hypnotisée.

- Hmm ! Sur quoi tu te poses autant de questions ? As-tu des sujets en particulier ?

Large question. Question piège aussi. Comment va-t-il le prendre si je lui dis que je m'intéresse aux hybrides? Il n'a plus l'air gêné que je vois ses yeux. Croit-il vraiment que j'ai gobé son mensonge, ou le mien l'a-t-il suffisamment rassuré pour qu'il oublie sa peur? Mieux vaut pour l'instant rester prudente.

- Un peu de tout. Depuis les dinosaures jusqu'à l'astronomie, en passant par les volcans et les relations Est Ouest pendant la guerre froide, et bien d'autres. Je dois avoir une liste quelque part, si tu veux. Je n'ai pas encore décidé de mon prochain sujet de recherches. Peut-être les hybrides, ou alors les similitudes entre les mythologies antiques, grecque, romaine, macédonienne et égyptienne. Une étude comparée des sociétés Maya et Inca avant l'arrivée des Conquistadors me tente bien aussi. Et puis une biographie de Newton. Je ne sais pas encore. Ce sera peut-être encore un autre sujet.

Je reprends mon souffle après cette longue tirade. J'ai cité les hybrides, mais comme un sujet parmi tant d'autres. J'espère qu'il ne va pas le prendre mal. Mais ce n'est que la vérité. Les autres sujets m'intéressent aussi.

Mon tourni s'est atténué, je vais pouvoir aller faire à manger. Je me lève et me dirige vers la cuisine en boîtillant. Je me lave les mains et attrape un plat. Je sors le pain de mie, le jambon, le fromage et un reste de crème. Je prépare mes croque-monsieurs en un tour de main. En même temps, ce n'est pas très compliqué. J'enfourne le plat dans le four et programme le temps de cuisson.

- Comme tu peux le constater, je m'intéresse un peu à tout. Mais toi? Quels sont tes centres d'intérêt, à part la psycho? Tu as dit être narcissique, alors vas-y, parles-moi de toi, je suis une éternelle curieuse.

Je sors deux assiettes du placard.

- Par contre, j'ai plus de couverts propres et la flemme de faire la vaisselle. De toute manière, les croque-monsieurs, c'est meilleur avec les doigts! En plus, y a plus de place sur la table, j'ai l'habitude de manger assise sur mon lit, alors si ça te dérange pas...

Quelques minutes plus tard, un bip m'avertit que c'est prêt. Je mets deux croques dans chaque assiette et lui en tends une, avant de retourner m'asseoir sur le lit, ma cheville supportant difficilement la station debout.
J'hésite un instant pour savoir ce que je vais boire, puis me décide.

- Oh et puis, zut! Passe-moi une autre bière, s'il-te-plait!